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Les réponses aux questions que tout le monde se pose, avec Enya Elswood

Pourquoi les cyclistes professionnels devraient-ils être les seuls à répondre
aux grandes questions de leur sport ?

Nous discutons avec des coureurs du monde entier pour recueillir leurs réponses d’experts sur les sujets qui font l’actualité du monde cycliste : comment la ville de Londres peut-elle faciliter la vie des cyclistes ? Peut-on comparer la course à pied et le cyclisme ? Courir sur Zwift est-il aussi agréable qu’on le dit ? Comment surmonter la peur de rouler sur des routes très passantes ?

Haute Route Oman

Enya Elswood n’était pas destinée à devenir cycliste. Elle ne s’est mise au vélo qu’en 2011 lorsque des problèmes de colonne vertébrale l’ont forcée à renoncer à la course à pied et à la compétition. Une reconversion plutôt courante chez les athlètes passionnés qui sont confrontés à ce genre de blessures chroniques. Mais ce nouveau départ tardif dans le monde du cyclisme ne s’est pas fait sans embûches.

Trois mois seulement après l’achat de son premier vélo de route, la nouvelle passion d’Enya prend un tournant tragique lorsqu’elle est percutée par une ambulance londonienne alors qu’elle se rendait au travail à vélo en compagnie de son mari. Très sévèrement blessée et victime de nombreuses lésions internes, elle reste totalement immobilisée dans un corset pendant trois mois. Lorsque son mari se rend à la gendarmerie pour récupérer le vélo, il revient avec un sac plein de débris de plastique et de carbone.

Malgré ces débuts traumatisants, Enya ne s’est pas laissée abattre : “Cinq mois plus tard j’ai enfin pu sortir de chez moi. Je suis directement allée dans un magasin pour trouver mon nouveau vélo et depuis ce jour je n’ai jamais arrêté de rouler”. Enya a toujours senti que ce sport allait lui apporter plus qu’elle ne l’imaginait et ce fut le cas. Son histoire unique l’a forcée à se poser de nombreuses questions sur sa pratique, sur son engagement et sur tous les grands thèmes qui animent le monde du cyclisme. 

 

Comment est venue l’envie d’acheter ton premier vélo de route ? 

Mon mari est un vrai passionné de vélo. En pleine crise de la quarantaine il a décidé de s’acheter un vélo et de partir dans les Alpes. Quand il est revenu il m’a dit “Ça t’aurait vraiment plu”. Ça m’a rendue jalouse alors je m’y suis mise. Le sentiment d’accomplissement que tu ressens est juste incroyable, c’est vraiment fascinant et ça m’a poussée à continuer. Malheureusement, peu de temps après avoir acheté mon premier vélo j’ai eu cet accident et mon mari et moi avons vraiment été traumatisés. J’ai pris mon mal en patience et je me suis promis “dès que je suis de nouveau sur pieds je vais trouver un nouveau vélo”. 


De nombreux cyclistes ont peur de rouler sur des routes très fréquentées. Comment as-tu réussi à surmonter cette appréhension suite à ton accident ? 

Depuis ce jour nous n’allons plus au travail à vélo. Pourtant c’était une habitude que j’aimais beaucoup, sentir le vent frais sur mon visage m’aidait à me réveiller et c’était mon petit exercice du matin. Mais psychologiquement j’ai toujours ce blocage que je n’arrive pas à dépasser. Au début j’étais incapable de traverser la route, j’étais obligée de descendre de vélo à chaque fois. Ce sont des étapes que tu dois franchir petit à petit.

Maintenant tout est presque redevenu normal. Finalement je crois que c’est mon mari qui en a le plus souffert car il a assisté à l’accident, il a tout vu et tout entendu tandis que moi j’ai perdu connaissance. Quand j’ai repris mes esprits je l’ai entendu hurler au loin, j’ai essayé de l’appeler, de lui dire que ça allait mais les mots ne sortaient pas. C’était un moment très éprouvant et finalement c’est moi qui essayait de le rassurer [rires]. Malgré tout cela, le cyclisme nous a fait et nous fait vivre des moments uniques, c’est un sport incroyable que j’aime plus que tout.


Est-ce que la ville de Londres devrait prendre des mesures pour la sécurité des cyclistes ?

Le maire de Londres encourage vraiment les gens à se déplacer à vélo. Certaines routes ont été transformées en pistes cyclables pour laisser de la place aux cyclistes donc je trouve que ça va dans le bon sens. Cependant, les pistes cyclables actuelles sont juste délimitées par de la peinture bleue au sol et beaucoup de conducteurs ne les respectent pas. Dans d’autres pays j’ai pu voir des pistes cyclables véritablement séparées des routes et je trouve que ce type d’infrastructures peut vraiment sauver des vies. 

Haute Route Enya

Qu’est ce qui est le plus dur : la course à pied longue distance ou le cyclisme longue distance ? 

Beaucoup de personnes me posent cette question et ce n’est pas si facile d’y répondre. Si par exemple tu compares courir un marathon ou rouler 100 miles, la difficulté dépend de beaucoup de facteurs, mais selon moi et par rapport à ma pratique de ces deux sports, la course à pied est plus difficile. L’avantage à vélo c’est que sur la même durée tu peux aller beaucoup plus loin et voir beaucoup plus de choses que lorsque tu cours.

Maintenant que je connais bien ces deux sports, si je devais choisir j’opterais plus pour le cyclisme. Depuis que je me suis lancée j’ai découvert tellement d’endroits que je n’aurais jamais cru voir un jour, et à chaque fois l’expérience, les odeurs... tout cela te fait te sentir vivant. C’est la raison pour laquelle nous participons aux Haute Route. Ces courses m’ont fait franchir un nouveau cap et ont changé mon mode de vie. C’est surement la plus belle chose qui me soit arrivée, enfin plutôt la deuxième plus belle chose, après mon mariage [rires].



Est-ce que tu penses que ton expérience en course à pied a rendu la transition vers le cyclisme plus facile ? 

Quand j’ai commencé c’était plutôt facile parce que je ne roulais que sur le plat, mais ensuite les ascensions en montagne, mon dieu, c’était vraiment difficile. Ma condition physique m’a beaucoup aidée. La course à pied m’a permis de développer une certaine résistance et de mieux supporter la douleur. En montagne, j’ai le sommet en ligne de mire. Je me fixe cet objectif, j’y vais et je sais que je ne m’arrêterai pas avant. Courir m’a appris énormément de choses et j’ai essayé d’appliquer ces enseignements au cyclisme, même si bien sûr tout n’est pas semblable entre ces deux disciplines. 


Si tu pouvais retourner dans le passé et donner un conseil à la Enya qui commence tout juste le cyclisme, qu’est-ce que tu lui dirais ? 

Je lui dirais de se créer un programme d’entraînement et de s’y tenir. Quand j’ai commencé, j’ai répété la même erreur que pour la course à pied. Au début, je ne faisais que courir puis j’ai construit un programme d’entraînement et cela m’a fait progresser. J’ai reproduit la même chose avec le cyclisme : je ne faisais que rouler. Je n’étais pas trop mauvaise mais la première année j’ai vraiment souffert parce que j’ai juste foncé sans savoir ce que je faisais. Avoir un programme d’entraînement est vraiment essentiel. 

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Est-ce que tu aimes vraiment rouler sur Zwift, ou est-ce que ce n’est qu’un "outil" pour toi ?

J’adore Zwift. En fait, je ne m’en lasse pas, je suis même un peu addict. Dès que j’ai cinq minutes devant moi, je saute sur mon vélo. En ce moment, on ne ne peut pas sortir, on ne peut pas aller en montagne, et grâce à Zwift les montagnes viennent à toi. L’autre jour je suis tombée par hasard sur une amie Suisse alors on a roulé et papoté ensemble. On a traversé un désert ensemble alors que dehors il pleuvait, c’était juste incroyable. 


Dans le cyclisme, la course à la performance est-elle autant présente chez les femmes que chez les hommes ? 

Nous devons réussir d’une manière ou d’une autre à encourager les femmes à se mettre au cyclisme. La question reste de savoir ce qui les motiverait. C’est souvent compliqué lorsque vous avez des enfants : les hommes trouvent le temps dans leur vie de famille pour sortir s’entraîner mais les opportunités sont souvent moins nombreuses pour les femmes. Nous devons nous forcer à y réfléchir. Si ma vie de femme cycliste peut inspirer d’autres femmes alors ça vaut le coup d’essayer. 

 

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