L'ancien coureur, Alain Rumpf, explique pourquoi le Col du Sanetsch est étonnamment son ascension préférée au monde.
Au cours d’un repas, Tristan Cousin et Simon Martinet, directeurs de course pour la Haute Route, me demandaient quelles ascensions programmer pour la future Haute Route Crans-Montana. Ma réponse est venue automatiquement et j’ai crié entre deux bouchées : “Le Sanetsch!”
Mais pourquoi ce cri du coeur ? Sur le papier, le col du Sanetsch n’a rien de spécial. Il se situe dans l’une des vallées environnantes du canton du Valais et, contrairement aux cols plus connus comme le Grimsel, la Furka, le Nufenen et le Grand Saint-Bernard, le Sanetsch est une impasse. Les cyclistes s’accorderont sur un point : un aller-retour ne rend pas très bien sur Strava. C’est d’ailleurs pour cette raison que le col n’est jamais intégré aux parcours des courses professionnelles qui sont organisées dans la région : le Tour de Suisse, le Tour de Romandie et, de temps à autre, le Tour de France. Pas de virages numérotés, pas de virage hollandais, pas de monument à la mémoire de Fausto Coppi. 
"Aucune de ces expériences n’a changé mon émerveillement pour le Col du Sanetsch."
Et pourtant, de tous les cols du monde, le Sanetsch est sans aucun doute mon préféré. Je le reconnais, vivre à proximité de cette ascension m’a surement beaucoup influencé. Mais j’ai également parcouru la planète à vélo sous mes multiples casquettes de coureur, photographe et guide cycliste, j’ai gravi le Mont Evans au Colorado, fait le tour des Alpes, traversé la grande Muraille de Chine et participé à la Transcontinentale. Et aucune de ces expériences n’a changé mon émerveillement pour le Col du Sanetsch.
Je pense que c’est parce que cette ascension est un véritable concentré de ce que la Suisse a à offrir. Le départ se fait dans les environs de Sion, au coeur de la vallée du Rhône, puis la route serpente au coeur des vignobles du Valais, la plus grande région viticole du pays. Après une courte section plate, vous entrez dans une vallée étroite ponctuée de quelques sections raides dans les bois. À ce stade, vous avez déjà grimpé plus de 1 000 mètres (soit l'équivalent de nombreux cols alpins réputés), mais ce n’est que le début ! Le meilleur reste encore à venir.
Quelques lacets plus tard, vous atteignez les hauts pâturages et leurs caractéristiques vaches noires d’Hérens. Les hauts sommets du Sanetschhorn et de l’Arpelistock vous surplombent, vous êtes désormais au-dessus de la forêt, prêts à entrer dans un tunnel de 800 mètres de long, sombre et humide. Il est éclairé la plupart du temps, mais un jour il ne l'était pas et je me souviendrai toujours de ma lente progression à l’aveugle, dans le noir le plus total, me cognant sans cesse aux parois du tunnel. Prenez note et prévoyez un éclairage si vous planifiez cette ascension.
"Le Col du Sanetsch est la version suisse du célèbre Passo Stelvio, en vous épargnant le flot incessant de camping-cars, de voitures et de motos."
À la sortie du tunnel, les derniers kilomètres semblent interminables, mais vous atteignez finalement le sommet à 2 252 m, à proximité du glacier de Transfleuron qui recule à vue d’oeil. Avec plus de 1700m de dénivelé positif sur 25km d’ascension, le Col du Sanetsch est la version suisse du célèbre Passo Stelvio, en vous épargnant le flot incessant de camping-cars, de voitures et de motos. Qu’en dites-vous ?
La Haute Route Crans-Montana empruntera la descente de 25 km pour retrouver la vallée de départ, mais si vous souhaitez rejoindre la vallée du Rhône, vous pouvez redescendre de l’autre côte du col. Le lac de Sanetsch marque la fin de la route, quelques kilomètres en contrebas. Mais vous n’êtes pas pour autant obligés de faire demi-tour. Accrochez votre vélo à une télécabine et rejoignez Gsteig, 1000 mètres plus bas, à proximité de la ville de Gstaad en suisse alémanique. Une expérience unique… Il vous faudra ensuite gravir le col du Pillon (1 546m) pour rejoindre Les Diablerets. Après l’ascension du Col de la Croix (1 778m) vous atteignez Gryon, ma ville natale, puis vous retrouvez la ville de Bex, dans le fond de la vallée du Rhône. Deux options s’offrent à vous pour rejoindre Sion : prendre le train ou emprunter la piste cyclable qui longe le Rhône sur 45km.
Si vous n’êtes toujours pas convaincu, voici ce que Mike Cotty, du Col Collective, m’a dit sur le tournage de l’une de ses vidéos mythiques : “ J’ai quelques flashbacks. C’était à peu près aussi long que La Madeleine ou que les grandes routes des Alpes. Il y a des sections vraiment raides, autant que sur la [Monte] Grappa, des routes étroites comme celles de Gavia et tu retrouves à perte de vue les mêmes paysages sauvages que sur la Bonette. La liste est vraiment longue et pour moi c’est toutes ces caractéristiques qui font du Sanetsch un col si spécial”.
Sur un ton un peu moins exalté, un invité que j’avais emmené sur le Sanetsch m’a dit après avoir repris son souffle au sommet : “C'est la meilleure sortie à vélo que j’ai jamais faite". Vous êtes prévenus.
Les conseils d’Alain Rumpf pour réussir l’ascension du Sanetsch
- Pensez à prendre des vêtements chauds même si la météo est annoncée clémente dans la vallée du Rhône : la température peut chuter de 15 degrés au cours de l’ascension et le vent souffle souvent fort au sommet.- L’ascension durera entre 2 et 3 heures, pensez donc à utiliser les points de ravitaillement Haute Route à bon escient.
A propos d’Alain Rumpf
Au cours des chapitres précédents de sa vie, Alain était un cycliste élite peu performant et travaillait pour l’UCI (Union Cycliste Internationale). Après 20 ans de carrière, la perte de son poste en 2014 lui fait quitter son costard pour passer plus de temps en cuissard. Un changement de carrière ambitieux qui lui permettra de devenir guide cycliste, photographe, rédacteur et consultant dans le domaine du tourisme à vélo. Suivez Alain sur son blog, A Swiss With A Pulse
